VIOLON

Le violon est un instrument de musique à cordes frottées. Constitué de 71 éléments de bois (épicéa, érable, buis, ébène, etc.) collés ou assemblés les uns aux autres, il possède quatre cordes accordées à la quinte, que l'on peut frotter avec un archet ou pincer avec l'index en pizzicati. La famille du violon inclut également l'alto, le violoncelle et la contrebasse ainsi que (beaucoup moins connue) l'octobasse ; le violon est le plus petit de ces instruments et celui offrant la tessiture la plus aiguë. Parmi les membres de cette famille, on pourrait également citer le violone.

Un violon se compose de 3 parties principales : la caisse de résonance, le manche et les cordes. Sa longueur est variable. Un violon de taille maximale est appelé un entier, et est destiné aux violonistes ayant atteint leur taille adulte ; il mesure généralement 59 cm de long, du bouton à l'extrémité de la tête. Il existe une échelle non proportionnelle de longueur des violons : les sept-huitièmes ; les trois-quarts, qui font 56 cm ; les demis, 53 cm ; viennent ensuite les quarts (48 cm), les huitièmes (44 cm), et les seizièmes (37 cm), [réf. nécessaire] ces derniers étant destinés aux violonistes très jeunes (en général, 3 ans).

Essences [modifier]

Les luthiers sont les artisans qui créent et entretiennent les instruments à cordes. Les plus connus sont Antonio Stradivari, la famille Amati, la famille Guarneri, Jean Baptiste Vuillaume et Nicolas Lupot qui tous deux ont reçu le surnom de Stradivarius français. Certaines de leur créations sont restées célèbres (voir la catégorie violons célèbres à ce sujet).

Les rabots utilisés. Le plus petit (troisième en partant de la droite), de moins de 1 cm de large, est appelé noisette.

L'influence du bois utilisé a été étudiée. Étant un composant de l'instrument largement majoritaire face au vernis, son rôle semblait devoir être également prépondérant. De nombreuses hypothèses ont été échafaudées, certains allant jusqu'à supposer que le bois des violons provenait de la charpente de cathédrales ou de châteaux, ce qui lui aurait donné un âge exceptionnel. Lloyd Burckle et Henri Grissino-Mayer ont quant à eux fait l'hypothèse que le bois utilisé par les grands maîtres italiens provenait des vingt années précédant le minimum de Maunder additionnés au minimum lui-même. Ce minimum de Maunder est une période de froid intense qui a eu lieu en Europe ; avec les vingt années précédentes, cela correspond à la période 1625-1715. Selon les deux auteurs, ce froid aurait provoqué une pousse ralentie des arbres, leur conférant une densité de cernes de croissance par unité de longueur élevée. Mais cette hypothèse a été également rejetée à cause des temps de séchage probablement adoptés par les luthiers italiens, et les auteurs reconnaissent eux-mêmes qu'aucun traitement particulier (séchage, stockage ou vernis) n'a jamais été identifié comme cause certaine de supériorité.[1],[2]

Joseph Nagyvary et son équipe ont analysé le bois de cinq instruments (dont un Stradivarius et un Guarnerius) datant d'entre 1717 et 1840. « Dans deux des instruments censés être des merveilles d'acoustique, le bois a été traité par des produits chimiques », d'après Nagyvary : des molécules d'hémicellulose ont été brisées à la suite de l'oxydation causée par un pesticide.[3] Selon le chercheur, le bois aurait été bouilli dans de l'eau chimiquement traitée, dans le but de protéger l'instrument contre les vers et les moisissures. Modifiant la structure du bois, cette opération aurait donc eu des répercussions inattendues. Mais l'agent oxydant employé reste inconnu.[4]

Les bois utilisés sont :[5]

L'érable a été choisi parce qu'il n'est pas trop lourd, et il est dur et élastique en même temps. Le peuplier ou le frêne, utilisés par les anciens luthiers italiens, ont été écartés car trop mous et donnant des sons creux et en-dedans[6]. Tolbecque critique lui aussi les vieux fonds en peuplier.[7]

Les bois doivent être vieillis avant d'être utilisés, dans un endroit plutôt chaud et à l'abri de l'humidité, du vent et de la poussière.

Étapes de fabrication [modifier]

Pour pouvoir reproduire un modèle de violon, le luthier fabrique des moules et des modèles : pour le contour de la table, pour les ouïes, pour l'épaisseur de la voûte, pour la tête.

La table et le fond sont formés ; le plus souvent la table est constituée de deux pièces afin d'assurer une symétrie des largeurs des fibres de part et d'autre de l'axe central pour des raisons de sonorité, tandis que le fond peut être d'une ou de deux pièces selon le choix arbitraire du luthier[8]. Les tables et fonds en deux parties sont obtenus à partir d'un morceau fendu en deux. Le luthier trace une ébauche de la forme de la voûte et détermine les contours exacts de la table et du fond.

Bille initiale.

Bille coupée « sur sens » (ou « sur maille »). Les quartiers sont divisés verticalement.

Les deux parts symétriques sont collées pour former fond ou table.

L'étape du filetage consiste à poser les filets à 4 à 5 mm du bord. Ce sont trois fines lignes qui ont, en plus d'un rôle décoratif, un rôle de protection contre les chocs, susceptibles d'amorcer des fissures dans le sens du fil du bois : les filets préviennent la propagation de telles fissures. Les deux lignes noires peuvent être en alisier teint, en ébène, en poirier, voire en baleine ou en cellulose issue du carton et compressée[9]. La partie blanche peut être en houx, en buis ou en charme. Ils sont dans certains cas inexistants, et ne figurent alors que les emplacements creusés des deux filets noirs ; enfin, dans l'état de finition le moins avancé, ils ne sont que peints à l'encre de Chine[10].

Puis le luthier creuse le fond au rabot et à la gouge et place 7 taquets (petites pièces de bois) sur celui-ci au niveau du joint (s'il y en a un), afin de le consolider. Il donne au fond son galbe définitif.

La même étape de creusage a lieu sur la table et les ouïes sont percées. La barre est alors placée ; il s'agit d'une longue pièce de bois, placée sous la table au niveau du pied gauche du chevalet. Elle sert à aider le violon à vibrer, et à résister à l'importante pression exercée par les cordes.

En vue de l'assemblage du fond et de la table, pour former une caisse de résonance, on en construit les bords verticaux que sont les éclisses. Contrairement à la table, l'orientation des fibres du bois n'a ici qu'un rôle décoratif[11]. Les éclisses sont cintrées au fer chaud. Puis on les assemble sur une forme au moyen de petites pièces de soutien qui contribueront à la rigidité de la caisse de résonance : tasseaux, coins, contre-éclisses.

Le manche et la touche sont les dernières grandes pièces à réaliser. L'étape délicate de la conception du manche est la taille de la volute, car le modèle utilisé est difficile à appliquer à la pièce à cause du relief (la volute « monte » en même temps qu'elle « tourne »). On creuse le chevillier, partie où passent les cordes, entre le sillet et les chevilles ; dans certains cas, il a même été creusé entièrement, sans que cela n'ait d'autre incidence qu'esthétique[12]. On taille la touche, large de 25 mm au niveau du sillet, de 45 côté chevalet, et arrondie comme le chevalet.

Puis vient l'assemblage global : on colle le fond sur les éclisses puis, après avoir retiré la forme, on fixe la table ; enfin on enclave le manche dans le corps du violon en forçant un peu et on le colle. On fixe alors la touche au manche avec quelques gouttes de colle, afin qu'elle tienne le temps de concevoir le sillet (que l'on ne fixe lui aussi que très légèrement) et de tailler proprement le manche. Puis on fait sauter touche et sillet : l'instrument est terminé en blanc. On procède à l'encollage, c'est-à-dire que l'on enduit le violon d'une sous-couche empêchant le vernis de pénétrer dans les pores du bois. Cette sous-couche peut être à base de gélatine, de blanc d'œuf, d'huile... Le violon peut à présent être verni.

Le luthier recolle alors la touche, taille et place les chevilles, puis le bouton. Vient ensuite la taille et la pose de l'âme, située en largeur au niveau du pied droit du chevalet, et en longueur à 3 mm en arrière de celui-ci. Le luthier vernit le manche avec un vernis peu coloré et plus résistant aux frottements de la main et à la sueur. Enfin, il retaille le chevalet brut fourni par le fabricant et le place en même temps qu'il installe les cordes. Le violon est à présent terminé, et ne restent plus à faire que des réglages de la sonorité.

Vernis [modifier]

Plusieurs dos de violons. On note l'importance des variations de teinte des vernis.

Le vernis a un rôle esthétique et un rôle de protection contre l'humidité due à la sueur et à l'air ambiant, dont l'hygrométrie est variable. Plusieurs recettes de vernis existent : à l'alcool, à l'huile de lin, à l'essence grasse (procédé Mailand), propolis... La technique consiste en un mélange variable de solvant et de laques, essence de térébenthine, résines, gommes et colorants, que l'on applique en couches successives sur le violon, et que l'on polit (d'où l'intérêt d'ôter la touche, afin de pouvoir polir le vernis situé sous son emplacement).

Le vernis peut avoir différentes teintes, extrêmement variables d'un cas à l'autre suivant les colorants utilisés, l'usure et la patine. Ainsi, il peut aller du jaune doré pour les Amati au rouge brun des Bergonzi en passant par l'orange foncé pour les Stradivarius ou le brun terne des instruments bas de gamme de l'école allemande du XIXe siècle.[13]

L'influence du vernis sur la sonorité a été âprement discutée. La recette utilisée par l'école de Crémone ayant été perdue, et les luthiers cherchant la ou les causes de la qualité des violons issus de celle-ci, on a supposé que le vernis jouait un rôle fondamental quant à la sonorité du violon. Il est à présent admis que le vernis ne peut pas modifier considérablement le timbre du violon ; il n'influe que sur son aspect et sa résistance au temps.[réf. nécessaire]

Le temps nécessaire à la fabrication d'un violon est délicat à estimer, car il dépend de l'expérience de l'artisan. On considère qu'un artisan confirmé fabrique un violon en 30 à 45 jours, le bois étant déjà sec. L'étape la plus longue à réaliser est le vernissage, car chacune des nombreuses couches n'est appliquée qu'après le séchage de la précédente, or il peut y avoir jusqu'à trente applications successives.[14]

Le prix d'un violon est très variable. Ainsi, un violon d'usine fabriqué en Chine dans les années 1980, vendu avec mentonnière et étui, coutait moins de 1 000 francs.[15] À l'exact opposé, les anciens violons des grands luthiers italiens atteignent des sommes considérables lors de ventes aux enchères. Le dernier record enregistré revient à un Guarnerius del Gesù de 1742 qui a été joué par Yehudi Menuhin et qui a été vendu le 29 octobre 1999 à Zurich à plus de 2,6 millions de dollars.[16] Il existe un juste milieu ; Menuhin propose par exemple comme bons violons les productions de la lutherie espagnole du XVIIIe siècle ou celles de la lutherie tchèque[17]. Un violon à l'état brut, sans vernis, se nommera violon sylvicole.

Vue en coupe de la caisse de résonance d'un violon non verni.
1.Fond.
2.Table.
3.Tasseau avant.
4.Trou du bouton.
5.Âme.
6.Ouïe.
7.Éclisse.
8.Coin.
9.Tasseau arrière.
10.Barre d'harmonie.

La caisse de résonance [modifier]

La fonction de la caisse de résonance est d'amplifier le son provoqué par la vibration des cordes.

La face supérieure d'un violon est appelée table d'harmonie. Faite (le plus souvent) de deux morceaux d'épicéa collés dans le sens de la longueur, elle est bombée et percée de deux orifices en formes de ƒ, les ouïes, qui ont pour vocation de libérer les vibrations provenant de la caisse de résonance. La face inférieure, communément appelée le « dos » ou le « fond », est formée d'une pièce en érable, ou de deux pièces collées ensemble dans le sens de la longueur. Elle est également bombée mais souvent dans une moindre mesure. Sur les bords des deux faces, on distingue une double ligne noire enserrant une ligne de même couleur que la table (blanche avant le vernissage) : les filets.

Les flancs en érable, appelées éclisses, réunissent la table d'harmonie et le fond afin de former une boîte qui forme la caisse de résonance. Au niveau du chevalet, les côtés du violon sont en forme de C (en creux vers l'intérieur) : ce sont les échancrures, dont le but est de permettre le passage de l'archet. Les petites pointes à leurs extrémités se nomment les onglets.

À l'intérieur du violon, on trouve l'âme et la barre d'harmonie, qui jouent un rôle essentiel dans la transmission des vibrations des cordes et dans la résistance face à la pression qu'exercent les cordes.

C'est dans la caisse de résonance que l'on trouve l'étiquette mentionnant le nom du luthier fabricant et l'année de fabrication.

La volute peut avoir une forme originale sur certains violons.

Le manche [modifier]

Il permet d'obtenir la bonne longueur de cordes, d'ajuster la tension de celles-ci et autorise le jeu du violoniste.

Il s'agit d'une pièce d'érable terminée par la tête, décorée d'un ornement en forme de spirale, la volute. Dans la construction baroque et classique, jusque vers 1800, le manche du violon était ajusté contre le tasseau et cloué à lui. Maintenant il est enclavé et collé dans le tasseau supérieur. Sur la tête, des chevilles sont fixées latéralement afin de contrôler la tension des cordes. Facilement reconnaissable par sa couleur noire, une longue plaque d'ébène, la touche, non frettée, est collée sur le manche. La touche est terminée au niveau de la tête du violon par le sillet, petite pièce en ébène qui fait office de guide pour les cordes.

Les cordes [modifier]

Différentes cordes de violon.
L'accord habituel d'un violon.

Les quatre cordes sont la partie du violon qui, mise en vibration par l'archet ou par les doigts, produit le son. Les cordes, de la plus grave à la plus aiguë, sont accordées à la quinte de la manière suivante : sol, ré, la et mi. On accorde le violon soit avec les chevilles, qui sont situées sur la volute (tête du violon), ou avec les vis (les tendeurs), qui elles, sont situées sur le cordier. Écouter les cordes à vide ; écouter comment on accorde un violon désaccordé. On peut cependant accorder le violon autrement pour obtenir un effet, la scordatura.

Pendant une très longue période, les cordes étaient en boyaux et seule la corde de sol était entourée d'un fil d'argent ou de cuivre (elle était dite « filée »).[18] Le boyau employé n'était pas de chat comme le veut une idée très populaire. Cette erreur est par exemple reprise dans la définition humoristique du violon[19] donnée par Ambrose Bierce dans son Dictionnaire du Diable de 1911 : « Violon : instrument destiné à chatouiller les oreilles de l'homme par le frottement de la queue d'un cheval sur les boyaux d'un chat ».

L'erreur pourrait provenir d'une compréhension trop littérale de catgut[20], corde de boyau utilisée en chirurgie. En réalité, on emploie pour fabriquer les cordes en boyau la tunique médiane de l'intestin grêle du mouton, dont les fibres sont résistantes. Plusieurs fils obtenus par découpage dans le sens de la longueur sont tordus ensemble, et la tunique médiane est si fine que les intestins grêles de quatre à cinq moutons sont nécessaires pour faire environ vingt-cinq cordes de la[21].

Une corde de boyau doit être dans toute sa longueur cylindrique, de même diamètre, élastique, d'une souplesse régulière et de couleur transparente. Un épaississement ou une densité irrégulière de la structure du matériau empêchent un accord tout à fait juste. La justesse d'une corde ne s'évalue sur la régularité du diamètre que si elle est de densité régulière, cette dernière condition n'étant remplie que pour les cordes de bonne qualité[22].

Au début du XXe siècle, la corde de mi fut remplacée par un fil d'acier, car elle se brisait trop souvent[23]. Plus tard, on a également muni d'un enroulement d'aluminium les cordes de la et de , dont le noyau est en boyau ou en matière synthétique. Cette dernière solution est maintenant privilégiée (sauf pour la musique ancienne) : elle est moins sensible au désaccord ; elle n'est pas aussi exigeante lors de la fabrication, et peut donc être réalisée de manière industrielle. On utilise également beaucoup des cordes basses filées à noyau d'acier, qui produisent une sonorité claire mais sèche. Pour accorder plus facilement les cordes d'acier, beaucoup plus sensibles à la tension, ont été mis au point des mécanismes à vis spéciaux, fixés au cordier, les tendeurs, petites molettes fines.

Vue du chevalet et des petits tubes de plastique autour des cordes de la et mi.

Si toutes les cordes avaient le même diamètre, la tension devrait diminuer pour les cordes basses. La répartition de la pression sur la table serait alors irrégulière et la sonorité des cordes basses insatisfaisante à cause de la faiblesse de résonance. C'est pourquoi les cordes ont des diamètres différents, mais une tension presque égale. On tend plus fortement la corde de mi, qui repose sur le pied droit du chevalet afin de lui conférer un volume sonore et un éclat accrus. Un violon de type Stradivarius pèse entre 355 g et 365 g tout compris ; la table, 55 g, et le fond, 90 g, doivent résister, par l'intermédiaire des éclisses, à la tension des cordes égale à 27 kilogrammes.[24] Comme dans le cas du violon la pression transmise à la table vaut 0,140 kg par kg de tension, [25] on trouve une pression exercée sur la table valant 3,78 kg.

Autrefois on désignait respectivement sous les noms de chanterelle et de bourdon les cordes de mi et sol. On en trouve la trace dans la traduction de la méthode de Leopold Mozart par exemple. Actuellement, on note les cordes de I à IV, la première corde étant celle de mi.

Yehudi Menuhin dit des cordes[26] : « La corde de sol, la plus grave, suscite une sonorité riche, profonde, et inspire un sentiment de noblesse. La corde de se distingue par son caractère plus passionné, plus vif. La corde de la s'ouvre et s'épanouit dans l'espace. La plus brillante et la plus extravertie des quatre est la corde de mi. »

La correspondance entre corde et cheville.

Le montage [modifier]

Le chevalet est une planchette sculptée en érable sycomore placée perpendiculairement à la table d'harmonie entre les ouïes et qui assure deux fonctions. Il maintient les cordes dans une configuration arquée (les cordes ne sont pas dans un même plan), permettant que chacune puisse être frottée séparément. Il a également une influence sur la sonorité du violon, car il communique les vibrations des cordes à la table d'harmonie. Tout comme l'âme, cette pièce n'est pas collée à l'instrument, et est maintenue en place seulement par la pression des cordes.

Les quatre cordes peuvent être accordées au niveau de la tête grâce aux chevilles ; à la base du violon, les tendeurs permettent un accord plus fin. Ces tendeurs sont attachés au cordier, pièce noire en ébène fixée à la caisse par un bouton.